Je ne suis pas très heureux dans cet orphelinat.
Cet établissement tenu par des religieuses armées de fusils mitrailleurs, où chaque chambre cache une bombe à laquelle nous sommes reliés par bracelets électroniques.
Nos rêves, nos cauchemars, nos idées poisseuses, drainés à l’intérieur de cette sphère de métal qui servira à détruire un bâtiment officiel, un monument.
Le stade Furio pour prochain terrain d’entrainement explosera comme un volcan. Avec les gradins sur lesquels j’assistai à mon premier match de baseball, la main de mon premier tuteur sur l’épaule.
Paul Warren m’avait gardé jusqu’à mes 10 ans, m’avait surveillé durant mes premières tentations de cleptomane. Jusqu’à ce qu’un terroriste piège son taxi alors qu’il véhiculait en secret un candidat au poste de Maire Cardinal.
Ce soir, j’esquive le dîner au réfectoire.
Ce soir, je rends visite une ultime fois à mes compagnons d’infortune, qui dorment dans le cimetière, sur la jetée.
A Minuit, je réintègre mon étage, je déconnecte et subtilise le crucifix relié à mon matelas. Cette croix explosive trouvera son utilité.
Sur la tour de guet défilent des furies en collerettes. Ces dames de foi n’attendent qu’un fuyard pour activer leurs sulfateuses. Elles se fardent dans l’espoir de faire pleuvoir un déluge de balles sur un gamin assez fou pour remonter l’allée central, cette tranchée, vers le pont, une fois le couvre-feu passé. Le glas sonné.
Mais, aujourd’hui, ma torche à la main, je leur tourne le dos.
Je veux franchir ces douves, quitter cette vallée piégée.
Je rêve du taxi rouge sang, la griffe noire sur le capot, que pilotait « oncle » Warren.
Je rêve de vitesse excessive dans les rues piétonnes, le crucifix aimanté au tableau de bord, comme détecteur pour retrouver tous les prêtres cruels, les tortionnaires armés de foi qui polluent l’innocence des petits livreurs de journaux, des serveuses, des modestes vendeurs de fleurs.
Ces vendeurs de dévotion, de fausse générosité, me donnent un haut le cœur.
J’ouvre la portière, je vomis dans le caniveau, en première page d’un quotidien qui traine là au milieu de conserves écrasés, d’épluchures pourrissantes. Le Choral Day Tribune, un torchon mettant en vedette Sœur Mandchari, qui visitera aux aurores l’école maternelle du quartier, pour récolter d’un œil assassin, l’aumône substantielle des élèves aux souliers troués, aux poches usées.
Start! J’accélère sur Olympic Drive et je fais rugir la griffe sur le moteur. Mon emblème, le souvenir de mon oncle préféré prêt à bondir, arracher la peau blafarde de cette demoiselle Hélène Mandchari, toute la traitrise, l’avidité dans ses faux ongles noirs.
Remettre à zéro le compteur de la maison noire. Bientôt carbonisée.
Si « La maison noire » ou un autre texte enflamme votre imagination et met en marche votre fibre artistique, que vous faites un dessin, une affiche à partir de mon récit, n’hésitez pas à laisser un commentaire. Vous pourrez envoyer votre travail que je découvrirai avec plaisir et qui sera posté sur le blog.